La dictée de Prosper Mérimée
Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à
Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré
les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil
prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.
Quelles que soient et quelqu'exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme
due, les arrhes qu'étaient censés avoir données la douairière et le marguillier,
il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et
de leur infliger une raclée alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des
rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.
Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens
exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue
obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux
alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d'une phtisie.
Par saint Martin, quelle hémorragie, s'écria ce bélître ! À cet événement,
saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans
l'église tout entière. |