Pépin le Bref
A
la mort de Charles Martel, le 22 octobre 741 à Quiercy-sur-Oise, Carloman et
Pépin se partagent la succession de leur père selon sa volonté. Carloman
reçoit l’Austrasie, l’Alémanie, la Thuringe ; Pépin la Neustrie, la
Bourgogne et la Provence. Le reste, peu de choses, est attribué à Griffon,
fils bâtard de Charles. Son lot fut pris sur la part de ses deux
demi-frères, sa mère était la petite-fille du duc des Bavarois, Swanahilde
était son nom. Les deux frères durent d’abord maintenir l’intégrité de ce
qu’avait réuni Charles Martel. Le royaume risquait d’éclater du fait des
ambitions de certains grands. Même les membres de la famille se posèrent en
adversaires, comme leur demi-frère Griffon, mécontent d’être écarté du
partage et surtout poussé par sa mère qui voulait la totalité de l’héritage
de Charles, ou leur sœur Hiltrude qui contre leur volonté s’enfuit et épousa
le duc de Bavière. Les princes des pays périphériques se soulevèrent en
(Aquitaine, Alémanie, Bavière). Toutes ces expéditions menées par Carloman
et Pépin, dit le Bref à cause de sa petite taille, furent toutes
victorieuses, mais sans résultats durables : le temps de service dans les
armées étant trop court. Pépin et Carloman décidèrent de rétablir un
souverain mérovingien sur le trône, ils connaissaient la fragilité de leur
pouvoir, qu’avait mise en évidence la révolte des princes. Ils allèrent
chercher dans une abbaye Childéric III, l’un des fils de Chilpéric II, et le
réinstallèrent sur le trône en 743, mais Childéric III laisse les deux
maires du palais diriger les affaires. Le roi représentait une autorité
morale qui permettait d’apaiser les mécontents et de maintenir l’unité du
royaume. D’origine divine aux yeux des Francs, garant de l’harmonie du
monde, le roi, principe supérieur, était indispensable. enfin, les maires du
palais attachèrent une extrême importance à la réforme de l’Église franque,
qui en avait le plus grand besoin. En 745 à la fin de l’année Carloman
annonce à Pépin l’intention qu’il a " d’abandonner la vie du siècle et de
rentrer servir Dieu sous l’habit monastique ". Il décide de partir pour
Rome. En 746 Carloman se retire au monastère du Mont Cassin, fondé par
Saint-Benoît. Ce qui fit de Pépin le seul maître du royaume. En 750 Pépin
envoie à Rome auprès du pape Zacharie une ambassade pour lui demander s’il
ne serait pas préférable " d’appeler roi celui qui exerce le pouvoir ".
Zacharie répond par l’affirmative, ses sentiments lui sont sûrement dictés
par la menace que font peser sur Rome les Lombards installés dans le nord de
l’Italie. En 751 comme Pépin est prudent, il tient à s’assurer le concours
de tous les grands et celui de l’Église. Il réunit une importante assemblée
à Soissons, il obtient l’acquiescement de tous les laïcs et ecclésiastiques.
En novembre, il fut oint d’une onction sacrée par la main de Boniface et
élevé sur le pavois royal selon la coutume des Francs. Sa femme Bertrade, ce
même jour devient, reine des Francs, c’est la fille de Caribert, Comte de
Laon. Son surnom la rendit célèbre : Berthe aux grands pieds. Les derniers
Mérovingiens Childéric III et son fils Thierry seront tondus et envoyés l’un
au monastère de Saint-Berton, près d’Arras, l’autre à celui de Saint-Wandrille,
près de Rouen. La dynastie mérovingienne a vécu, la carolingienne voit le
jour. Le sacre que Pépin reçut des évêques francs conféra à la royauté
nouvelle l’empreinte de la légitimité et l’incorpora en quelque sorte à
l’Église. L’époque carolingienne est aussi celle de la fusion du temporel et
du spirituel. L’entrevue de Ponthieu, en 754, renforce encore l’alliance de
la dynastie et de la papauté, du religieux et du politique. Le pape Etienne
II, successeur de Zacharie, venu chercher du secours en Gaule, sacra une
seconde fois le roi à Saint-Denis, en compagnie de ses deux fils. Le pape
défendit sous peine d’interdit et d’excommunication, d’oser jamais choisir
un roi issu d’un autre sang que celui des princes. Les Carolingiens avaient
donc obtenu, grâce à l’Église romaine, la dignité royale. Le sacre que lui
conférèrent les évêques le revêtit d’une légitimité nouvelle, celle d’être
l’élu de Dieu. Tout cela explique l’un des aspects les plus importants et un
des effets les plus durables, de la politique de Pépin : la fondation des
États de l’Église. A l’époque, en effet, les Lombards s’emparaient petit à
petit de l’Italie, ils avaient pris Ravenne. Etienne II vint en 754 en Gaule
franque solliciter l’intervention de Pépin, appeler le roi franc au secours
n’était pas naturel et démontre la puissance de celui-ci, car l’Italie (hors
le royaume Lombard) appartient juridiquement à l’empereur de Byzance qui a
reconquis la péninsule, mais les relations entre Rome et Constantinople se
sont détériorées. A la suite de deux campagnes que Pépin mena contre les
Lombards (754 ou 755 et 756), il remit au pape et non à l’empereur (qui en
était le souverain de plein droit) 23 villes de l’exarchat de Ravenne et de
Pentapole qui, ajoutées à la région de Rome où l’autorité byzantine
s’effaçait lentement, fermèrent " l’État pontifical ". Le roi des francs en
devint le protecteur en vertu du titre de patrice des Romains qu’Etienne II
lui avait conféré. Il ne revint plus en Italie après 756, étant occupé à
replacer l’Aquitaine sous la domination franque, dont elle s’était émancipée
depuis plus d’un siècle. Le 27 septembre 768 étant atteint d’hydropisie, et
sentant sa fin prochaine, il réunit à son chevet les principaux chefs
ecclésiastiques et laïcs, et en présence de Bertrade décide, selon la
fâcheuse coutume, de partager ses États entre ses deux fils, Charles et
Carloman. Il leur fait savoir qu'il désire être enterré face contre terre
sous le porche de l'abside orientale de la basilique Saint-Denis, afin
d'expier les fautes commises par ses prédécesseurs envers l'église. Le 27
septembre 768, le premier roi "oint de Dieu" et sacré par le pape, le
fondateur de la dynastie carolingienne rend le dernier soupir. |
Dernière Modification 06/06/20 © Histoire de France 1996
|