Charles 2 le Chauve

 

Il est né à Francfort-sur-le-Main en 823. Il est le fils de Louis "le Pieux" et de Judith de Bavière. Grâce à sa mère. En 829 Louis 1er son père lui donne l'Alémanie, l'Alsace, la Rhétie et une partie de la Bourgogne. Charles détient en 834 une bonne partie de l’empire ; il est à la fois sportif et intellectuel, c’est un excellent cavalier et un grand chasseur. Son intelligence précoce a été nourrie de la meilleure éducation du temps, ce qui en fait un prince lettré, le plus instruit des Carolingiens. Sa curiosité est universelle. Il est plus à l’aise dans la pensée que dans l’action. Il était fait pour être un roi de paix ce qui ne fut pas son destin. Il se sortit de situations en apparence les plus désespérées, grâce à son sens de la diplomatie. Charles est un homme seul qui n’a jamais renoncé à sa tâche. A la mort de Louis "le Pieux", en juin 840, la situation politique est très incertaine. Le maintien de l’unité de l’empire paraît bien problématique, Lothaire, fils aîné de empereur défunt, et héritier du titre impérial qu’il n’a jamais cessé de porter, ne veut pas y renoncer. Comment vont se stabiliser les rapports entre les princes compétiteurs, Louis, que l’on appellera bientôt le Germanique, et leur jeune demi-frère Charles, le futur Charles le Chauve ? Devant les prétentions de Lothaire, qui réclame l’intégralité de l’héritage paternel et tente d’établir son autorité sur les territoires revendiqués par ses frères, Louis et Charles font alliance. Ils remportent sur Lothaire une victoire non décisive, à Fontenoy en Puisaye (juin 841) et devant la persistance des ambitions de leur aîné, s’engagent solennellement à se soutenir mutuellement et à ne pas traiter séparément avec Lothaire. Ce sont les serments de Strasbourg (14 février 842). (Les peuples doivent refuser toute obéissance au roi qui ne tiendrait pas ses engagements. Le gouvernement devient ainsi de plus en plus contractuel et de moins en moins souverain. Une période de négociations laborieuses, imposées par les grands qui craignent une guerre civile, destructrice pour la société aristocratique elle-même, s'ouvre alors. Elle aboutit à un accord sur le principe d'un partage territorial en 3 lots (entrevue de Mâcon, juin 842), délimités enfin par le traité de Verdun en août 843. Charles reçoit les pays situés à l'ouest de l'Escaut, de la Meuse, de la Saône et du Rhône. Lothaire garde son titre d'empereur, mais sans aucun pouvoir sur les deux autres royaumes. Pour en arriver là, il a fallu satisfaire les 3 carolingiens et l'aristocratie. Il a fallu tenir compte des réalités ethniques et linguistiques, et de la nécessité de chacun des frères de régner sur une partie des vieilles terres franques entre Seine et Marne, de la nécessité aussi pour les vassaux de ne pas être écartelés entre plusieurs royaumes et plusieurs rois. Il a fallu dénombrer et décrire évêchés, abbayes, comtés, palais royaux et bénéfices des vassaux pour délimiter des lots équivalents. Charles obtenait un succès inespéré grâce au courage dont il avait fait preuve depuis la mort de son père, et à l'appui de la plus grande partie de l'aristocratie. Mais sous son règne, l'autorité royale ne cesse de s'affaiblir et le pouvoir des grands, laïques et ecclésiastiques, de s'accroître. Les décisions arrêtées à l'assemblée de Coulaines en novembre 843 sanctionnent le nouvel état de fait ; c'est une véritable constitution du royaume qui naît, dont Charles le Chauve ne remettra plus les principes en question. L'Église est garantie contre toute spoliation et tout arbitraire. Tous les grands doivent au roi sincérité et obéissance. Le roi s'engage à ne retirer à aucun d'entre eux les honneurs (charges) et les dignités qu'ils possèdent. Tous promettent de s'opposer à un acte royal contraire à la raison et à l'équité. Chacun doit veiller à ce que tous respectent leurs engagements. Autrement dit, la royauté, au lieu d'être en théorie absolue, est désormais officiellement fondée sur un contrat et limitée. Le roi prend, nouveauté capitale, des engagements. Les grands n'ont pas à obéir si le roi, de son côté ne tient pas compte de leurs remontrances et ne respecte pas ses promesses. Comme les grands sont juges des conditions de rupture du contrat, cela signifie que le roi, en pratique, ne peut plus gouverner sans leur avis. Il n'est plus au-dessus d'eux, il n'est que le premier d'entre eux. Le couronnement et le sacre de Charles à Orléans en 848 renforce cette nouvelle donne : l'élection pour les grands comptes autant que les facteurs purement dynastiques. Le pouvoir de Charles ne s'exerce que sur une base étroite, les comtes, les évêques, une partie des vassaux les plus puissants et les fonctionnaires. Du point de vue politique, économique et militaire, il dépend de la volonté de 3 ou 4 000 personnes. On le considère comme le responsable des malheurs de l'Empire. Il doit s'imposer aux 2/3 de son royaume. Si son domaine est important, il ne l'est pas assez pour lui assurer une position prééminente. Son propre lignage est divisé en 2 groupes très hostiles, soutenus par de vastes clientèles, celui de sa mère Judith, sur qui il s'appuie de plus en plus, et celui de sa femme Ermentrude, qui refuse de voir lui échapper hautes charges et bénéfices ecclésiastiques. Charles cherche son principal soutien chez les évêques, qui le lui accordent presque toujours. Les grands ecclésiastiques voient dans le roi le seul moyen d'empêcher la domination des grands laïques, et ils élaborent une doctrine de la royauté qui doit être, parmi eux, sous l'empire du clergé. Ainsi de tous les côtés, l'aristocratie joue un rôle de plus en plus important, face à un roi qui en est réduit à utiliser les rivalités pour tenter de faire valoir son point de vue en tant qu'arbitre. L'autorité passe petit à petit dans les mains d'un certain nombre de grandes familles. Leur soumission au roi, au nom duquel ils exercent leurs fonctions, est purement théorique. Le royaume se disloque peu à peu. Les magnats renforcent leur assise locale, ils s'y limitent. ils se replient sur leurs terres, acceptant de plus en plus difficilement de se rendre à l'état (l'armée). Les efforts de Charles pour empêcher la clôture juridique totale des collectivités domaniales demeurent sans résultat. Charles accepte les structures féodales naissantes ; il essaie de s'en servir pour consolider le royaume et la royauté, mais ce pari ne fait que précipiter l'évolution dans le sens opposé. Quand il essaiera de rendre au droit royal écrit sa prééminence, en définissant la rébellion par rapport aux décrets royaux, il sera trop tard. Cependant, malgré son autorité bafouée, son administration et ses armées en délinquance, il parvient à maintenir le principe, l'idée d'un État, d'un pouvoir royal qui sera le fondement réel de la France médiévale, puis moderne. Dès le début de son règne, Charles II se heurta à d'énormes difficultés, révoltes intérieurs, invasions extérieures. Les raids Vikings désorganisent la vie du royaume, favorisent les révoltes et les désordres, affaiblissent le pouvoir royal. Inversement, les troubles intérieurs facilitent les invasions. Le roi rencontre des oppositions faites en Aquitaine et en Bretagne, régions hostiles à toute domination franque. Les populations locales reconnaissent Pépin II en Aquitaine et Nominoë en Bretagne qui sont à l'origine les représentants du pouvoir impérial. D'autres tentent de profiter du désordre générale pour se tailler des principautés, Bernard en Septimanie, Lambert autour de Nantes. Charles conduit des expéditions dans ces régions, succès et grandes défaites alternent (devant Pépin en Angoumois en 844, devant Nominoë aux marais de Ballon, en 845, devant son fils Erispoë à Juvardeil en 851). Il finit par reconnaître les réalités provinciales : son fils Charles. L'enfant devient roi d'Aquitaine en 855, Nominoë duc des Bretons en 846 et Erispoë roi en 851. L'avènement de Charles le Chauve coïncida avec le début des invasions des Normands. Presque chaque année, remontant les fleuves, Escaut, Somme, Seine, Loire, Garonne, installant des bases permanentes, les Normands qui ne se heurtaient à aucune résistance, ni des autorités, ni des populations, purent saccager, piller, massacrer à loisirs. L'insécurité devint permanente. Leurs attaques visèrent Rouen (841), le grand port de Quentovic (842), Paris (845), (où Charles dut verser un tribut de 7 000 livres d'argent pour obtenir leur départ), Toulouse (844), Bordeaux (848), Nantes (851), Tours (853), Angers, Blois (854), Poitiers (855), etc. ...Charles II ne trouva guère d'appui dans les autres royaumes issus du traité de Verdun. Les entrevues de Yütz (844) et de Meersen (847 et 851) où furent proclamés des principes de paix et d'entraide et où des actions communes contre les rebelles lui furent promises, mais ceci ne déboucha sur rien de concret ni de durable. En 855 - 856, la crise fut générale. En 855, les grands lignages d'entre Loire et Seine, Eudes, comte d'Orléans, Allard, comte de Paris, Robert le Fort se soulevèrent. En 862, ce fut au tour des Bretons du roi Salomon et du propre fils du roi, Louis le Bègue, dans l'ouest du royaume. Charles parvint à rétablir la paix, mais au prix de concessions considérables. Les attaques ne cessaient pas, pendant ce temps. Le roi tâcha de faire face, là aussi, et il obtint des succès : il finit par ramener le calme en fortifiant les villes et les fleuves, en opposant les Normands les uns aux autres ou en leur payant tribut, en confiant à Robert le Fort un grand commandement dans l'ouest (il sera tué au combat de Brissarthe en 866). La lutte contre les révoltes et contre les Normands fut rendue plus difficile par la faillite du régime de la fraternité. Aux pires moments (856 - 858), les rebelles firent appel à Louis le Germanique, qui profita de la situation pour envahir la France occidentale et réunir les deux royaumes sous sa domination. Beaucoup de grands se rallièrent à lui, Charles dut s'enfuit en Bourgogne. Il fut sauvé par l'énergique intervention de l'Église, grâce à la grande personnalité d'Hincmar, archevêque de Reims. Dénonçant les maux abominables endurés par le pays du fait de l'agression déloyale de Louis contre son frère, roi légitime, l'église revendique le droit pour elle seule de faire et de défaire les rois. Les conséquences de la succession de Lothaire, mort en 855, occupèrent les années suivantes, il avait partagé son royaume entre ses 3 fils. Charles le Chauve, comme Louis le Germanique, chercha alors à opérer des remaniements à son profits. Charles et Louis décidèrent du partage du royaume de leur frère Lothaire à Metz en 869 car son fils Lothaire II n'avait pas d'héritier, le royaume fut amené à la mort de celui-ci en 869. A ce moment, Charles renia ses engagements et s'empara de la totalité de la Lotharingie. Louis le Germanique refusa le fait accompli, et imposa à l'entrevue de Meersen (août 870) une partition cependant très favorable à Charles qui grandit son royaume vers l'Italie. Veuf d'Ermentrude, Charles épousa cette même année Richeut. En 875, le dernier fils de Lothaire Ier, l'empereur Louis II, roi d'Italie, mourut lui aussi sans héritier légitime. La papauté, qui s'était arrogé le droit, généralement reconnu, de choisir l'empereur, recherchait avant tout un défenseur de l'Italie contre les musulmans. Or Charles le Chauve est soutenu par un parti à Rome qui lui est favorable ; il est le préféré des papes Hadrien II puis Jean VIII qui apprécient sa "vertu", sa culture, son attitude vis-à-vis des questions religieuses et des clercs. La promptitude de son arrivée en Italie et la volonté du pape permettent au roi de France d'être couronné et sacré empereur à Rome, en décembre 875. La papauté a réussi à imposer son candidat. Sa présence de l'Italie permet une offensive de Louis le Germanique en Meuse, Boson et Hincmar la font échouer. Charles doit rentrer en France par prudence. Si le cérémonial imposant utilisé au concile de Ponthieu en 876 pour affirmer sa nouvelle dignité fait impression sur l'épiscopat de France occidentale qui reconnaît son titre impérial, ce n'est pas le cas dans le royaume de Louis le Germanique. Son accession à l'Empire est mal reçue dans son propre royaume. La fonction impériale avait perdu toute signification. La mort de Louis le Germanique le détourna un instant de Rome pour tenter de porter sa frontière au Rhin, en recourant à la force : signe d'orgueil croissant, durci par son accession à l'Empire. Mais Louis le Jeune, fils du Germanique, lui infligea une forte défaite à Andernach (876), qui ébranla la confiance des grands à son égard, et apparut comme jugement de Dieu sur lui. en même temps, Charles recevait des appels pressants du pape Jean VIII, menacé en Italie. Charles décida de s'y rendre malgré la situation dans son royaume (menaces normandes, murmures des grands, problèmes avec son fils et ses neveux). Par l'assemblée de Quercy, il régla avec minutie l'organisation du royaume pendant son absence, montrant ainsi sa crainte de lendemains incertains. Il ne put rester en Italie bien longtemps : la presque totalité de l'aristocratie de France se souleva, et il dut prendre la décision de rentrer en France. Charles II "le Chauve" mourut en passant les Alpes en octobre 877.


Dernière Modification   06/06/20

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