Jean 1er le Posthume

 

Paris 1316. Roi de France 1316. Fils de Louis X le Hutin et de Clémence de Hongrie. Inhumé à l'abbaye de Saint-Denis. Après la découverte de l'adultère de Marguerite de Bourgogne (printemps 1314), et son emprisonnement à Chateau-Gaillard, Louis X se retrouva sans femme, avec une fille Jeanne, dont la légitimité n'était pas certaine. La mort de Marguerite, délibérément provoquée ou non, lui permit de se remarier avec Clémence de Hongrie, qui était enceinte à la mort du roi en 1316. Philippe le Long, frère puîné de Louis X, devint régent, et toute les décisions définitives furent reportées en attendant la naissance de l'enfant posthume, qui eut lieu en novembre. Jean vécut cinq jours. Sa mort fit murmurer le peuple, qui se disait à bon droit qu'elle correspondait trop bien aux intérêts de certains princes pour être parfaitement naturelle. Sa disparition rapide posa le problème de la succession en termes nouveaux, car on n'avait pas vu depuis des siècles de roi qui n'est pas de fils pour lui succéder. Il fallut donc inventer une solution pour ce cas de figure imprévu. Quant à Jean Ier, on le compte parmi les rois de France, en considérant qu'il a régné pendant les quelques jours de sa vie.

Jean Ier le Posthume est - il bien mort en 1316 ?

Pour répondre, il faut parler du document d’où l’on tire le récit de la substitution, et celui de la reconnaissance de Giannino par Nicolas de Rienzi. Il s’agit d’une charte acquise par un spécialiste en autographes, Tabary, en 1842, à Paris, à la vente de la collection de Mr de Lamberty. Cette charte était donnée comme provenant originellement des titres de la maison Picolomini. Or le document serait un texte dû à Nicolas Rienzi et traitant de Jean Ier le Posthume. Titré Charte de Nicolas de Rienzi, ce document commence ainsi : << Au nom du Christ. Ainsi soit-il. Ce qui suit est la teneur de la déclaration de tous les faits qui établissent comment le fils du roi Louis et de la reine Clémence fut changé au temps de sa nativité >>. Rienzi rapporte alors les propos du frère Jordan, tels qu’ils lui furent transmis par le frère Antoine : << Cependant, les deux barons commis à la garde de la reine faisaient rechercher les nobles dames à qui pourraient être confiée la nourriture de l’enfant, et l’on avait trouvé dans un monastère une noble dame, nommée Marie, fille du noble Picard, seigneur de Carsi. La dame Marie venait de donner le jour à un fils dont le père, originaire de Toscane, était nommé Guccius Méri. (...) A peine cet enfant était-il né que les barons commis à la garde de la reine, voyant que cette princesse venait de donner le jour à un fils, ordonnèrent que durant la nuit la dame Marie serait enlevée du monastère, avec son enfant, et que, amenée au palais royal, elle serait introduite dans la chambre de la reine pour y donner ses soins au fils du roi ou plutôt au roi lui-même ; car il l’était en effet. Sur ces entrefaites, la (...) comtesse d’Artois supplia la reine Clémence de lui accorder l’honneur de présenter elle-même, l’enfant roi aux grands et au peuple, et cette grâce lui fut accordée. Cependant, les barons auxquels la garde de l’enfant était confiée, ayant de justes motifs de suspecter les intentions de la comtesse, craignirent qu’en tenant le petit roi dans ses bras elle ne trouvât le moyen de lui donner la mort conséquence, ils décidèrent que, le jour de la solennité, le fils de Guccius et de la dame Marie, enveloppé de langes aux insignes royaux, et la tête ceinte d’une couronne, serait montré au peuple au lieu du roi, afin que, si un crime devait être commis, il le fût sur le fils de Guccius et non sur l’enfant-roi. Ce plan fut mis à exécution, et le fils de Guccius mourut dans la nuit qui suivit la cérémonie. Les uns dirent que la comtesse lui donna la mort en le comprimant avec force, d’autres l’accusèrent d’avoir mis du poison sur sa langue ; mais de quelque manière que le crime ait été accompli, il est certain que l’enfant mourut (...) Les deux barons (...) se rendirent auprès de la dame Marie et lui apprirent que son fils était mort, lui faisant connaître le parti qu’ils avaient cru devoir prendre et le motif qui les avait déterminés. A ces paroles la dame Marie jeta les hauts cris et répandit des torrents de larmes : << Vous êtes jeune, Madame, et vous et non le vôtre, afin que notre maître et le vôtre échappe au péril de la mort ; vous élèverez le roi le plus secrètement que vous pourrez, comme s’il était votre propre fils, jusqu’à ce que nous vous fassions connaître le moment où la vérité pourra être manifestée. Vous serez alors la plus grande dame du royaume, et vous pourrez placer dans un rang élevé vos enfants et votre famille. Si vous faisiez autrement, cet enfant, qui est notre maître et le vôtre, serait infailliblement mis à mort ; vous auriez perdu votre fils et votre maître et chacun de nous serait en péril de sa vie. La dame Marie, voyant qu’elle ne pouvait pourrez avoir encore plusieurs fils ; nous exigeons que vous disiez que c’est le fils du roi qui est mort pas agir >>. autrement, se mit à la volonté des barons. (...)  Suivent le récit du départ pour Sienne à l’instigation de Guccius et la confession de la << Dame Marie >> au frère Jordan : << C’était au mois de juin de l’année 1345 ; la dame Marie mourut dans le même mois et elle fut inhumée dans un couvent. Elle m’avait expressément recommandé de m’informer, après sa mort, de cet enfant qui, suivant ses calculs, devait être âgé de 26 à 28 ans. elle me chargea, s’il vivait encore, de lui notifier tous ces faits afin que, instruit de son origine, il sût que suivant le droit du royaume la couronne lui appartenait... Après avoir dit comment le frère Antoine lui adressa par écrit le récit recueilli de la bouche du frère Jordan, Nicolas de Rienzi proclame sa conviction : << Vu les lettres ci-dessus, reçues par nous le sixième jour de septembre de l’année 1354, après avoir mûrement examiné les faits qui y sont contenus, et en avoir acquis la complète intelligence, y ajoutant une foi pleine et entière, nous avons reconnu que, par l’effet des jugements de Dieu, ainsi qu’il est apparu, il y a eu depuis longtemps, dans le royaume de France, de grandes guerres et de nombreux fléaux, que nous croyons avoir été permis de Dieu, en punition de la fraude pratiquée envers et contre le fils du roi, par l’effet de laquelle il a été exclu de son royaume et a vécu pendant longtemps dans l’abaissement et dans la pauvreté. Nous avons apporté tous nos soins à l’œuvre qui nous a été confiée, nous faisant informer par les voies les plus secrètes et les plus sûres, et nous avons acquis la certitude que le prince a été élevé et nourri dans la ville de Sienne, sous le nom qui lui avait été donné de Janninus de Guccius, et qu’il se cru ainsi lui-même, être véritablement le fils de Guccius. Ce même Janninus s’est présenté à nous la cinquième férie, le deuxième jour d’octobre 1354, et, de lui faire connaître du motif qui nous a déterminé à l’appeler, nous nous sommes enquis de son âge, de ses conditions, de son nom, de son père, enfin de tout ce qui pouvait toucher à l’objet de nos recherches, et il nous est apparu que ses récits s’accordaient avec le contenu des lettres. Ce qu’ayant reconnu, nous lui avons manifesté, avec toute la révérence qui lui est due, les faits tels qu’ils sont advenus.   Le document est-il authentique ? Des spécialistes le datent du 4 octobre 1354, l’écriture est une gothique italienne du XIV siècle ( reproduit d’après l’étude de Servignat ). Le 15 mai 1359, le roi Louis de Hongrie a écrit à tous les princes d’Europe pour leur recommander Jean, son neveu. Raoul de Warren, n’a pas craint de conclure en ces termes : << Nous dirons que, si surprenant que cela puisse être, il est très vraisemblable, et peut-être même probable, que Giannino ait bien été le fils du roi de France Louis le Hutin. Jean Ier le Posthume est-il bien mort en 1316 ? Texte extrait du magazine Historia 


Dernière Modification   06/06/20

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