Charles 3 le Simple


 

L'acte qui a permis à Charles III le Simple fils de Louis II le Bègue et d'Adélaïde de devenir roi de France de 898 à 922 est aussi celui qui a posé de nouveaux principes d'organisation du royaume. L'accord entre Eudes et Charles III le Simple, qui prévoit que celui-ci succédera à celui-là, est gage de paix, puisqu'il permet d'unir les deux forces les plus importantes, celle qui soutient les Carolingiens et celle qui suit les Robertiens. Il s'agit de s'unir et de se rassembler afin de combattre les Normands, et d'assurer la continuité du royaume, il s'agit aussi d'adapter les structures du royaume aux réalités contemporaines. Eudes reconnaît le rang et les droits de Richard en Bourgogne et Charles ceux de Robert (le frère d'Eudes) en Neustrie. Ainsi les "marquis" (dotés de pouvoirs très importants) sont officiellement reconnus. Un échelon intermédiaire est donc mis en place entre les comtés et la royauté, dans la région centrale du Regnum Francorum que constitue l'ensemble Neustrie-Austrasie-Bourgogne, alors que seules les régions périphériques, Aquitaine et Septimanie, connaissaient ces structures. Ces marquis sont les maîtres légitimes de leur territoire, et ils prennent rapidement le titre ducal (fin IXe, début Xe siècle). L'existence du royaume n'est pas remise en cause, mais il y a une nouvelle organisation du pouvoir : le roi règne toujours mais c'est le prince, le duc, le marquis qui gouvernent. Ces transferts de compétence sont faits avec l'accord officiel de la royauté, dans la légalité. Ceci s'explique par les nécessités d'une défense efficace contre les invasions (Normands, Sarrasins, Hongrois, sans compter les brigands) qui ne peut se faire qu'au niveau régional. Il ne faut pas voir l'époque de Charles le Simple comme celle d'une déliquescence du pouvoir public, ni comme la fin de tout ordre légitime. Les nouveaux princes ne sont autres que les plus hauts fonctionnaires francs, issus de la plus haute aristocratie, qui détenaient déjà l'autorité publique au nom du roi. Mais ce qui diminue vraiment le pouvoir royal, ce sont tous les palais, terres, domaines et abbayes auxquels Charles a dû renoncer lors de l'accord avec Eudes. Son champ d'action est très rétréci puisqu'il ne domine plus directement qu'une partie des régions entre Seine et Meuse. Et Eudes a assuré à sa lignée des domaines et des vassaux tels que les Robertiens sont les plus riches et les plus puissants au Nord de la Loire. C'est sous le règne de Charles le Simple que les Normands sont sédentarisés en France. Ils continuaient leurs ravages, quelque soit le souverain. Le nouveau système de pouvoirs transférés aux princes fonctionne de manière efficace : ils définissent une tactique permettant de vaincre les Normands et ceux-ci éprouvent plusieurs défaites meurtrières. Mais la force normande n'est pas réellement entamée. C'est en 911 seulement que la situation se modifie radicalement. Rollon attaque Chartres, dont l'évêque appelle au secours le duc Robert, Richard de Bourgogne et Ebles de Poitou. L'alliance et le système de communication entre les grands chefs montre à nouveau son efficacité. Leurs forces réunies accablent l'armée pourtant importante de Rollon, sous les murs de Chartres. Les conséquences de cette bataille sont durables : les Normands se rendent compte qu'ils ne peuvent venir à bout de villes fortifiées et les Francs qu'il est possible de vaincre les envahisseurs, mais non de les anéantir, faute de pouvoir les poursuivre sur terre et mer. Des deux côtés, on est prêt à un accord. Du côté Franc, on admet l'idée de concéder aux Normand une partie du royaume ; Rollon accepte de s'installer durablement, en accord avec les autorités du pays, roi et grands. Le traité de Saint-Clair-sur-Epte, où Charles et Rollon ont eu une entrevue, officialise l'entente en 911. Rollon reçoit le baptême, prête hommage à Charles et reçoit un territoire allant du pays de Caux à Lisieux. Ce ne fut pas tout de suite la fin de leurs rapines et de leurs expéditions, mais, mêlés à la société franque dont ils adoptèrent les usages et la langue, les Normands se "civilisent" peu à peu comme ils se christianisent, et leurs ducs font rapidement de la province un modèle administratif et économique. L'annexion de la Lotharingie était l'autre grande politique menée par Charles le Simple, moins pour compenser la perte de la Normandie que parce que le roi était attaché à une province d'où sa famille était issue. L'empereur Arnulf avait donné comme roi aux Lotharingiens son fils bâtard Zwentibold, qui s'était attiré l'hostilité de l'aristocratie locale. A la mort d'Arnulf, Zwentibold fut déposé par les grands (900),et remplacé par le roi de Germanie, Louis IV l’enfant, fils d'Arnulf. A sa mort en 911, la branche orientale des Carolingiens s'éteint. Normalement c'est Charles le Simple qui aurait dû lui succéder. Les deux pays étant devenus trop éloignés l'un de l'autre, un seul homme ne pouvait régner sur un ensemble aussi vaste. La branche occidentale des Carolingiens paraissait étrangère en France Orientale. Conrad le Jeune fut donc sacré roi. Mais les Lotharingiens se tournèrent vers Charles le Simple. Celui-ci se rendit en Lotharingie en 911 et y fut reconnu comme roi. Il résida souvent dans les palais qui avaient été le berceau ou qui avaient vu l'apogée de sa dynastie. : Herstal ou Aix-la-Chapelle. Il réussit à garder le royaume malgré l'appétit des rois de Germanie. Il put d'abord tenir en respect Conrad, grâce à sa politique matrimoniale, qui lui donnait l'alliance du duc de Saxe, Henri l'Oiseleur. Quand il devint à son tour roi de Germanie en 919, il ne rompit pas l'alliance, malgré ses vues sur la Lotharingie, et conclut en 921 avec Charles un accord qui reconnaissait le statu quo. Sur le plan intérieur, Charles et son principal conseiller, l'archevêque de Reims, Hervé, tâchent de remettre de l'ordre dans le royaume, en tenant compte des nouveaux pouvoirs des grands, ils s'efforcent d'assurer leur entente afin de rétablir la grandeur du royaume. A partir de 911, Charles est le seul représentant des Carolingiens, il reprend le titre de "roi des Francs", le premier titre de Charlemagne, s'affirmant ainsi roi par droit héréditaire et non par la seule volonté des grands. Il n'a pas compris que la condition de la stabilité, c'est de respecter les grands afin d'obtenir leur concours. A partir de 918, il se laisse dominer par son favori Haganon, d'origine lotharingienne, ce qui n'est pas accepté par la haute aristocratie franque. Il provoque ceux dont l'appui a permis le renforcement de son pouvoir (ainsi le fils de Renier, l'artisan de l'annexion de la Lotharingie, se voit refuser la dignité de marquis) et se brouille avec son meilleur soutien, Hervé, qu'il destitue. Tout cela conduit à sa perte. La brouille avec Robert, duc des Francs, à l'assemblée générale de Soissons en 920, la précipite. : le roi refuse de se séparer d'Haganon. L'affrontement est très violent. L'archevêque de Reims sauve le roi, mais temporairement, Charles s'obstine : il fait don à son favori de l'abbaye de Chelles ce qui met le feu aux poudres. Les Robertiens se mobilisent, les grands abandonnent le roi, la place de Laon est prise, il doit s'enfuir. En désespoir de cause, il fait appel à un chef normand païen, Rögnwald. Il est alors destitué par les grands en 922. Charles n'abandonne pas la partie, il a assez de fidèles en Lotharingie pour pouvoir réunir une armée et attaquer Soissons, en juin 923, celui que les grands ont élu à sa place, le roi Robert. Il perd la bataille mais Robert figure au nombre des morts. Il fait alors des démarches auprès de certains grands, mais se heurte à des fins de non-recevoir, car il a définitivement perdu son prestige. Après l'élection de Raoul de Bourgogne, Charles tombe dans un guet-apens tendu par Herbert de Vermandois, et il est fait prisonnier. Il ne sort de prison qu'une seule fois, quand son geôlier l'utilise pour faire pression sur Raoul, mais quand Herbert se réconcilie avec Raoul, Charles retrouve sa prison. Il y meurt à Péronne en 929. Sot, simple d'esprit ou grand roi méconnu, simplex voulant dire dans ce cas "sans détour" ? De toute façon, Charles ne disposait plus, dès l'accord qui en faisait le successeur d'Eudes, des moyens de la puissance. De Frérone de Saxe, puis d'Edwige de Wessex, il eut 11 enfants dont Louis IV. Inhumé à l’église Saint-Rémi de Reims.


Dernière Modification   06/06/20

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