Océan Atlantique
Le relief atlantique, selon une coupe de Dakar à New York.
Le plateau continental basaltique (en jaune) est recouvert de sédiments (en
vert) à l'approche des reliefs continentaux. Au centre, la dorsale
médio-atlantique, qui court de l'Islande jusqu'au sud de l'Afrique : c'est un
bourrelet de cicatrisation indiquant la fracture des plaques continentales.
La traversée de l'Atlantique est maintenant facile : l'avion
vous transporte en six heures de Paris à New York, et les avions supersoniques
du type Concorde vous permettront bientôt, peut-être, de prendre le petit
déjeuner à Paris ou à Rome, le repas du midi à Boston, et de revenir dîner en
Europe.
L'océan Atlantique fut pourtant longtemps une frontière
infranchissable : si le mot "Atlantique" existe dès l'Antiquité - d'après
Hérodote, ce nom proviendrait du peuple des Atlantes qui habitait le Maroc -,
Egyptiens, Phéniciens, Grecs, Romains et Arabes se contentèrent de longer les
côtes de l'Afrique du Nord et de l'Europe, laissant à l'aventure le soin de dire
ce qu'était cette "mer Occidentale".
Qui a traversé le premier l'Atlantique? Certainement de
hardis navigateurs scandinaves : les Vikings. En 983, un Norvégien fixé en
Islande, Erik le Rouge, aborde dans une région couverte de mousses et de
bouleaux qu'il appelle Groenland, "le pays vert". Son fils Leif, en l'an 1000,
découvre la région du Canada actuel. D'après les récits scandinaves (sagas),
il y aurait eu d'autres expéditions vers ces terres nouvelles.
Mais c'est la traversée de Christophe Colomb qui marque le
début d'une navigation plus régulière à travers l'Atlantique. En effet,
l'utilisation du gouvernail et de la boussole permet de se diriger plus sûrement
et, comparées aux barques vikings, les caravelles sont de gros navires avec
plusieurs voiles, trois ou quatre mâts, qui peuvent mieux affronter l'océan.
Parti le 3 août 1492 des quais de Palos, avec trois caravelles et quatre-vingt
dix hommes, Christophe Colomb, marin génois au service du roi d'Espagne, arrive
le 12 octobre 1492 dans un îlot des Bahamas.
La mainmise des Européens sur le continent américain
s'explique par la découverte et l'exploitation de très grandes richesses : or
des Antilles ou du Mexique, et surtout les fabuleuses mines d'argent du Pérou.
C'est l'origine d'un courant commercial intense à travers l'Atlantique. Vers
1545, les mines américaines produisent environ 267 000 kg d'argent et 5 400 kg
d'or : chaque année, les galions espagnols - en convois pour plus de sécurité -
quittent Séville et Cadix à destination de l'Amérique et reviennent chargés d'or
et d'argent. Au XVIIIe siècle, le sucre, le café, l'indigo, échangés
contre les esclaves noirs deviendront les matériaux d'un fructueux trafic.
Toutes ces richesses déchaînent les convoitises, et les
pirates du temps de paix sont vite relayés par les corsaires du temps de guerre.
En 1533, le corsaire français Jambe-de-Bois ravage ainsi Saint-Domingue. Les
grandes puissances européennes s'affrontent pour contrôler un commerce dont
chacun sent qu'il va devenir important. En 1494, le traité de Tordesillas avait
partagé l'Atlantique entre Espagnols et Portugais; mais les Anglais, de la fin
du XVIe siècle à 1778, acquièrent peu à peu tout le contrôle du
commerce : leurs corsaires s'emparent des flottes espagnoles et Francis Drake,
pour ses exploits, est fait chevalier de la reine Elisabeth. La destruction par
les corsaires britanniques de l'Invincible Armada espagnole en 1588,
l'installation des Anglais aux dépens des Français en Amérique du Nord,
l'acquisition de Gibraltar, de l'Acadie et de Terre-Neuve, font des Anglais les
maîtres de l'Atlantique pour près de deux siècles (1588-1778).
Les techniques, les idées des philosophes européens, se
répandent au XVIIIe siècle, et contribuent à former, de part et
d'autre de l'océan, une civilisation atlantique où s'imposent progressivement
les idées de liberté individuelle, d'égalité, d'indépendance nationale. C'est en
proclamant cet idéal qu'un vaste mouvement révolutionnaire gagne les deux rives
de l'Atlantique à la fin du XVIIIe siècle : indépendance des
Etats-Unis, Révolution "européenne" de 1789 à 1815, révolte, enfin, à partir de
1810, d'une Amérique espagnole longtemps restée à l'abri de cette subversion que
représentaient les "Lumières". Lorsque les treize colonies de l'Amérique du Nord
quittent l'Empire britannique en 1776, c'en est fini de la suprématie anglaise
sur l'océan Atlantique.
Un village de pêcheurs à Petty Harbour
(Terre Neuve). La pêche sur les bancs de Terre-Neuve ou au large du Labrador est
l'activité principale : la morue et le hareng, mais aussi le homard et le
phoque. C'est en 1949 que Terre-Neuve devint, après référendum, la 10e
province du Canada.
En apparence, la révolution machiniste, avec les
perfectionnements qu'elle va apporter dans les moyens de communication aux XIXe
et XXe siècles, renforce les relations océaniques. Le développement
de la navigation à vapeur avec des bateaux en fer permet une traversée régulière
de l'Atlantique qu'organisent aussitôt de grandes compagnies de navigation : en
1838, la Cunard Line est fondée en Angleterre; en 1862, en France, la
Compagnie Générale Transatlantique. Mais le percement du canal de Suez
(1869), puis l'ouverture du canal de Panama en 1914, vont détourner de
l'Atlantique le trafic de l'Extrême-Orient et de l'océan Pacifique.
Le transport des hommes semble, pour un temps, relayer celui
des marchandises. Des millions d'Européens pauvres, anglo-saxons, puis
méditerranéens, vont chercher fortune aux Etats-Unis : plus d'un million par an
au début du XXe siècle.
Dans les relations intercontinentales, l'avion ouvre une ère
nouvelle. Le 20 mai 1927, l'Américain Charles Lindbergh effectue en vingt
heures, sans escale, le trajet New York-Paris : il es acclamé comme un héros. Le
12 mai 1930, le Français Mermoz relie le Sénégal au Brésil.
Les Etats-Unis ont proclamé leur volonté de se tenir à
l'écart des affaires européennes : depuis près d'un siècle, la doctrine
Monroe, qui inspire leur politique extérieure, se résume à un
isolationnisme et s'explique par la croissance industrielle du Nouveau Monde.
Mais l'évolution de l'Europe, à laquelle reste
sentimentalement attachée à la démocratie américaine, va remettre en cause cette
politique de neutralité. Il faudra deux guerres mondiales pour que les échanges
s'intensifient sur l'Atlantique, et que les Américains construisent alors des
flottes dont le gigantisme est sans précédent.
En avril 1917, la guerre sous-marine que les Allemands
livrent dans l'Atlantique conduit les Etats-Unis à intervenir, et deux millions
de soldats traversent l'Atlantique pour venir combattre en France. Le phénomène
se reproduit en décembre 1941. Une gigantesque bataille se livre alors dans
l'Atlantique entre les sous-marins allemands et les convois alliés : en mars
1943, les pertes alliées dépassent 600 000 tonnes. Grâce aux Etats-Unis, la
situation va se redresser rapidement.
L'après-guerre voit la continuation de cette solidarité : le
4 avril 1949, un pacte atlantique est conclu entre les Etats-Unis, la
Grande-Bretagne, la France, l'Italie et plusieurs autres pays européens. La
crainte d'une expansion communiste soviétique resserre les liens, c'est alors la
doctrine du "contaminent"; une organisation du Traité de l'Atlantique nord
(O.T.A.N.) - dont la France s'est d'ailleurs retirée en 1967 - est alors
mise sur pied.
Qu'en est-il, aujourd'hui, de la civilisation atlantique? De
la France aux Etats-Unis, du Canada à la Grande-Bretagne, une civilisation
matérielle à peu près identique s'est édifiée, et l'Atlantique fait aujourd'hui
bien plus circuler les idées, les techniques et les capitaux que les denrées de
l'ère coloniale.
Mais, sur le plan politique, la situation européenne s'est
profondément modifiée, dans le cadre d'un équilibre mondial nouveau. Union
Soviétique, Chine, Japon, sont désormais les centres nouveaux du développement.
C'est dans ces pays que la croissance économique risque d'atteindre le taux le
plus élevé; c'est d'une entente avec eux que dépend désormais l'équilibre
américain. Avec la découverte de Colomb, l'intérêt s'est détourné de la
Méditerranée vers l'Atlantique. Faut-il, aujourd'hui, envisager le temps où les
progrès de la civilisation viendraient mourir aux rivages atlantiques?
Géographie d'un océan
Entre l'Europe, l'Afrique et l'Amérique, c'est l'un des trois
grands golfes des eaux océaniques mondiales : 14 000 km de long sur 5 000 km de
large, soit environ 82 millions de km².
Les fonds marins, de l'Afrique à la Nouvelle-Ecosse. A
l'ouest des Açores, le relief de la dorsale culmine à 2 500 m de profondeur; son
fossé axial, le rift, a 4 000 m de profondeur. De part et d'autre de la
dorsale, des plaines abyssales recueillent, sur un socle basaltique, des
sédiments déposés depuis le jurassique. au sud-ouest, commence la bassin du
Cap-Vert (-5 000 m).
La forme même de l'Atlantique, un S très allongé et
épais, souligne la similitude générale qui existe entre les côtes d'Afrique et
d'Amérique du Sud. C'est cette ressemblance qui a fourni au géologue Wegener
l'idée d'une dérive des continents. Il y a 130 millions d'années, les massifs
continentaux qui, dans le passé géologique, se trouvaient unis en un seul bloc,
se séparèrent au Secondaire (au crétacé), pour former les continents
sud-américain et africain. La fracture de la croûte terrestre, en
s'agrandissant, allait donner naissance à l'océan Atlantique. Au début de notre
ère quaternaire, la dérive vers l'ouest du continent américain confère à l'océan
son actuelle configuration. Encore faut-il noter que l'Amérique du Sud continue
de "s'éloigner" du continent africain à raison de 2-3 cm par an, et que
l'Amérique du Nord, elle, s'éloigne à raison de 3-5 cm par an de l'Eurasie.
On a pu mesurer les propriétés magnétiques et la vitesse de
propagation du son dans la zone de fracture originelle : elles attestent la
parenté lointaine des continent eurasien et américain. L'étude des fonds
sous-marins et de l'étagement des profondeurs (bathymétrie) confirme également
cette hypothèse.
Au-delà de la plateforme continentale qui, par définition,
s'arrête à 200 m de fond, l'océan s'approfondit jusqu'à rejoindre les
profondeurs abyssales de la croûte océanique, à quelque 9 000 m de profondeur.
La profondeur moyenne est de 3 332 m, inférieure à celle des océans Pacifique et
Indien; mais tout relief sous-marin, fait de montagnes, de plateaux et de
bassins, crée une grande diversité.
Au centre, la dorsale médio-atlantique constitue un
véritable système montagneux en forme de S, et s'étend de l'Islande à
l'Antarctique; les îles de l'Ascension, de Tristan da Cunha, en sont les formes
émergées. Deux chaînes parallèles, à "l'altitude" moyenne de 2 500 m, encadrent
un fossé central, le rift, qui descend à 4 000 m. Encadrée de bassins
sous-marins (-5 000 m) situés au large du Brésil ou de l'Argentine, au Cap-Vert
ou à 2 000 km des Etats-Unis, la dorsale est le siège de séismes fréquents et
porte des reliefs volcaniques : c'est comme la cicatrice géologique de la croûte
océanique. Erosion et alluvions existent dans tout l'océan, en fonction des
grands bassins fluviaux des continents et du mouvement des courants marins.
Si l'on regarde une carte des courants de surface, on
constate que la zone chaude de l'équateur est à l'origine de deux grands
mouvements circulaires des eaux : l'un, au nord, est centré sur la mer des
Sargasses (Caraïbes); il envoie, dans le sens des aiguilles d'une montre, des
courants chauds vers le nord-ouest, il est prolongé par le Gulf Stream qui se
dirige vers l'Europe; l'autre, dans l'Atlantique Sud, tourne en sens inverse, se
réchauffe dans le golfe de Guinée pour se diriger par le nord vers les côtes
brésiliennes. Ces courants sont compensés par des contre-courants qui se
développent dans la profondeur des eaux.
L'Atlantique connaît, bien entendu, les marées. L'onde de
marée, qui se forme dans l'océan austral, se propage au nord avec un maximum de
2 m au large de la Guinée et de l'Amazone.
L'Atlantique est le plus salé des océans (37,5 ‰), en raison
de l'évaporation constante des eaux superficielles sous l'action de la chaleur
et des vents. Cette salinité, jointe à la bonne oxygénation d'une eau
perpétuellement agitée, explique l'abondance des algues et du plancton,
particulièrement dans la région de Terre-Neuve pour celui-ci. Aussi le poisson
est-il abondant : sardines, harengs et maquereaux effectuent leurs petites
migrations saisonnières, tandis que thons et merlus suivent les courants tièdes.
La morue, au contraire, cherche les eaux froides. L'océan est surtout le témoin
des grandes migrations des anguilles qui se réunissent pour le frai dans la mer
des Sargasses. Les Cétacés cherchent en été la fraîcheur des eaux polaires où la
nourriture est abondante et hivernent dans les eaux tropicales où ils se
reproduisent.
L'Atlantique offre ainsi un vaste champ d'action aux
activités de la pêche. Les principales régions favorables se situent au large de
Terre Neuve et des Antilles, à la pointe occidentale de l'Afrique (Cap Vert) et,
à un moindre degré, au large de l'Argentine et de l'Afrique du Sud. On pêche
ainsi dans l'Atlantique, chaque année, plus de 5 millions de tonnes de morues et
merlus, autant d'anchois, 8 millions de tonnes de sardines et harengs, plus d'un
million de tonnes de soles et flets. Au total, les tonnages pêchés doublent tous
les dix ans depuis 1914.
Le monde des oiseaux, enfin, est particulièrement représenté
dans l'Atlantique Nord où abondent îles, archipels et rivages propices. Mouettes
et goélands, pétrels et goélands animent le ciel d'une mer toujours recommencée.
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